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Génétique Quantitative et Évolution - Le Moulon

Peut-on accélérer le progrès génétique en sélection génomique en modifiant la recombinaison ?

Le travail de thèse d’Élise Tourrette, publié dans la revue G3 (Genes, Genomes, Genetics), aborde cette question par une approche in silico combinant des méthodes de génétique quantitative et des modèles de la formation des crossing-overs.

L’amélioration génétique des espèces d’intérêt agronomique permet de rassembler dans une même variété des caractéristiques favorables trouvées chez différent individus. Ces derniers peuvent être des variétés élites déjà sélectionnées ou du matériel sauvage, voire des espèces apparentées, issus de prospections. Deux approches sont généralement utilisées pour le processus d’amélioration génétique:

illustration schématique des 2 voies d'amélioration génétique des plantes

Schéma illustrant des 2 voies d’amélioration génétique des plantes

  1. les approches biotechnologiques utilisant la transgenèse, qui sont actuellement difficilement acceptables en Europe, ou
  2. la réalisation de croisements, qui par le biais de la « recombinaison génétique », génèrent des gamètes pouvant rassembler des facteurs génétiques favorables issus de deux parents différents.

Cette dernière approche implique que deux variants de gènes initialement présents dans des individus différents se retrouvent dans un même gamète. Pour cela, il doit se produire un événement de recombinaison entre ces deux gènes. Comme l’illustre le schéma ci-dessous, la recombinaison qui se produit lors des croisements permet de créer de nouvelles combinaisons génétiques (éventuellement plus favorables) qui seraient impossibles sans reproduction sexuée.

Or, bien que les raisons en soient encore mal connues, on observe que la recombinaison génétique est très contrainte. Le nombre de crossing-overs est restreint à une fourchette allant en moyenne de 0.5 à 2 par chromosome et par gamète, et leur répartition le long des chromosomes est très inégale, avec en particulier de larges régions très pauvres en crossing-over autour des centromères. De plus, deux crossing-overs se produisent très rarement à proximité l’un de l’autre à cause du phénomène d’interférence. Il est donc probable que ces contraintes limitent l’efficacité de l’amélioration génétique des espèces.

Plusieurs méthodes ont été récemment développées à l’INRA pour augmenter très fortement la recombinaison : en mutant des gènes anti-crossing-over ou en utilisant des individus triploïdes. Ces approches, initialement découvertes chez Arabidopsis thaliana et chez la navette, ont maintenant été appliquées avec succès chez plusieurs espèces cultivées dans l’espoir d’augmenter l’efficacité des programmes d’amélioration génétique. Cependant, il est aujourd’hui extrêmement difficile de prévoir précisément dans quelle mesure et sous quelles conditions l’utilisation de ces individus hyper-recombinants peut accélérer le progrès génétique en amélioration des plantes.

Dans un article publié récemment dans G3, Élise Tourrette, en thèse dans l’UMR Génétique Quantitative et Évolution-Le Moulon, a abordé cette question par une approche in silico combinant des méthodes de génétique quantitative et des modèles de la formation des crossing-overs ; elle a simulé numériquement différents types de schémas de sélection inspirés de pratiques des sélectionneurs de variétés végétales. En particulier, elle a considéré une méthode de sélection en pleine expansion actuellement : la sélection génomique, qui s’appuie sur des données d’analyse du génome à l’aide de marqueurs moléculaires. En simulant la répartition des gènes favorables dans les individus initiaux, les différentes étapes de croisements faisant intervenir la recombinaison (normale ou augmentée), ainsi que le processus de sélection génomique dans différents cadres concrets de schémas de sélection, Élise Tourrette a pu mesurer l’effet de l’augmentation de la recombinaison sur le progrès génétique ainsi que la perte de diversité au cours des générations de sélection.

Ce travail de modélisation a montré que :

  • le fait d’augmenter la recombinaison chez le riz et la navette permettait d’augmenter le gain génétique dans les programmes d’amélioration, d’autant plus que les crossing-overs pouvaient être ajoutés dans les régions qui en étaient initialement dépourvues.
  • l’augmentation de recombinaison était particulièrement favorable dans les situations où la diversité génétique décroît rapidement (forte intensité de sélection), car elle permettait de ralentir cette perte de diversité.

Ces résultats devraient permettre d’optimiser la façon d’appliquer les méthodes de manipulation de la recombinaison aux programmes d’amélioration des plantes en usage actuellement.

Référence

Tourrette E, Bernardo R, Falque M, Martin OC. (2019) Assessing by Modeling the Consequences of Increased Recombination in Recurrent Selection of Oryza sativa and Brassica rapa. G3, 12 (9) 4169-4181

Contact : Olivier Martin