
Dans un article publié dans Flora, des chercheurs du laboratoire GQE-Le Moulon, sous la direction de Catherine Damerval, en collaboration avec l’équipe de F. Jabbour au MNHN-Herbier de Paris, ont reconstruit l’aire de répartition de la nigelle de Damas dans le bassin méditerranéen à l’aide d’une collection de près de 3300 spécimens d’herbier, et déterminé le génotype moléculaire de plusieurs formes anciennes.
Montage photo : nigelles et herbier. Crédit : F. Jabbour
Sur le plan génétique, l’origine de la forme sans pétale a été étudiée au début du siècle dernier, mettant en évidence un contrôle par un seul gène. L’origine moléculaire a pu être élucidée en 2013, indépendamment par notre groupe et une équipe chinoise. Dans les deux études, le même gène mutant a été mis en évidence.

Distribution géographique de la nigelle de Damas, obtenue à l’aide de 2009 spécimens géoréférencés, récoltés entre 1793 et nos jours. En haut (en bas), fleurs avec (sans) pétales parmi les spécimens étudiés
Nous nous sommes interrogés sur la distribution au cours du temps de la forme sans pétale au sein de l’aire de répartition de l’espèce, et sur son origine moléculaire. Une base de données de près de 3300 spécimens récoltés du 17ème siècle à nos jours, issus de 42 herbiers à travers le monde (dont l’Herbier de Paris, plus gros contributeur en termes de données pour cette étude), a été constituée, répertoriant, entre autres, le type floral et la localisation géographique. Une douzaine de spécimens récoltés dans une dizaine de pays différents entre 1847 to 1993 ont été génotypés au niveau moléculaire grâce à des procédures spécialement adaptées au matériel ancien.
Nous avons ainsi reconstruit au cours du temps la distribution comparée des deux morphes floraux, et établi la distribution de l’espèce au sein du Bassin méditerranéen. En dépit de son nom d’espèce, l’absence de spécimens de Syrie suggère fortement que la nigelle n’y existe pas spontanément. L’étude temporelle indique que la forme sans pétale a toujours été présente, en proportion faible (1/10ème) mais stable, et qu’on la trouve plus fréquemment dans les pays du Nord du Bassin méditerranéen que dans ceux du Sud. Le génotypage moléculaire a permis de retrouver le gène mutant déjà identifié dans les études de formes actuelles, mais a également révélé l’existence très probable d’autres mutations à l’origine de la forme sans pétale.
Le fait que toutes les variétés mutantes actuelles que nous avons pu tester possèdent la même mutation laisse penser que par hasard, les premiers horticulteurs ont sélectionné et maintenu une seule origine de la mutation. Ce travail révèle donc aussi que la formation des pétales chez la nigelle peut faire intervenir d’autres mécanismes que ceux qui avaient été étudiés jusqu’ici.
Référence
Contacts
Catherine Damerval à GQE-Le Moulon et Florian Jabbour au MNHN